atelier des recherches #4

Défaire l’exposition : l’art et ses logiques soustractives

« Défaire consiste à rompre une chose, à en modifier l’état de manière qu’elle ne soit plus ce qu’elle était, ou encore à annuler par une action le résultat d’une action précédente.

Sous cet intitulé dévoyant le titre « Faire exposition »[1], j’aborderai la pratique artistique sous l’angle de la logique soustractive. La création de « rien » résume bien ce que j’entends par logique soustractive. Si créer revient pour l’artiste à « tirer du néant », faire un trou pousse ou ramène vers le néant, et cela aussi peut être une création. Telle est la dialectique de la logique soustractive observée en art : l’artiste-soustracteur qui « fait des trous » crée en ramenant vers le néant.

Créer par soustraction se manifeste sous la forme d’une division. D’abord, l’artiste ouvre un trou. Ensuite, c’est au moyen d’un argumentaire qu’il le maintient sous tension et je vois dans ce recours au langage une nécessaire supplémentation. Soustraire, c’est donc ajouter du sens : l’artiste-soustracteur qui œuvre ramène vers le néant, certes, mais ce qu’il escamote resurgit ailleurs et autrement, et notamment devient langage.

Nombre d’artistes tentent de contredire la croissance par leur production même. Ils « défont » l’exposition. Leurs œuvres constituent le versant « art » de considérations plus générales, émergeant depuis quelques décennies dans le contexte de l’état inquiétant de la planète : surproduction industrielle, gaspillage commercial, extractivisme à outrance, ou encore pollution de l’environnement. Elles permettent d’établir des connexions avec la sensibilité écologique qui interroge cet état du monde à travers les notions de décroissance, d’éco-anxiété ou de solastalgie (souffrance causée par les changements environnementaux), et elles conduisent à repenser pratique artistique et statut de l’œuvre d’art. Pour ce faire, trois concepts me servent d’appui : « simplicité volontaire », « collapsologie » et « bilan carbone ». »

[1] Dévoyant grâce au « Dé- » : élément de composition utilisé comme préfixe pour exprimer l’idée de cessation ou de privation, pour former le contraire d’un verbe ou d’un substantif, comme dans Défaire, dénouer, désapprouver, déplaisir, etc.

Phrases

"Ce qui nous frappe nous fait penser."

"Qui peut le plus peut le moins."

"Rompre l’enchaînement des actions efficaces."

"Progresser sans croître."

"C’est bien assez que d’être."

Jean-Baptiste Farkas dit IKHÉA ©SERVICES (1998), Glitch, Beaucoup plus de moins ! (2003), PRACTICES IN REMOVE (2015), L’art et ses logiques soustractives (2018), Les Chroniques de la soustraction (2019) se définit comme un artiste prestataire de services. Il a conçu sous divers intitulés organisés en collection, « des modes d’emplois » qui entretiennent un rapport étroit au trouble, au vandalisme, au détournement pour générer une action dans le réel. Inscrits dans une logique non productiviste, voire très fortement soustractive, ces « passages à l’acte » se confrontent à la question de la valeur en art, en éprouvant souvent le spectateur par une tendance latente à la destruction, la contrainte ou la frustration tout en conservant une pointe d’humour.

Bibliographie

On Words, In Deeds, Livre en anglais, mfc – michèle didier, Bruxelles, 2017

Des modes d’emploi et des passages à l’acte, Riot Éditions, Saint-Étienne, 2023

Entretiens Beaucoup plus de moins !, Riot Éditions, Saint-Étienne, 2023